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« La souveraineté alimentaire de la France est en jeu »

Publié le 10 mars 2022

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Les industriels agroalimentaires bretons alertent à nouveau sur la gravité de la situation


L’issue des négociations commerciales à +3% en moyenne est un résultat en trompe-l’oeil, inacceptable tant sur le fond que sur la forme. Par ailleurs, la guerre en Ukraine provoque une déstabilisation qui affole les marchés mondiaux et trouble durablement les équilibres économiques sur fond de drame humain. L’accélération de l’inflation sur l’énergie, et sur un certain nombre de matières premières agricoles et d’intrants industriels (emballages en verre, …) évolue d’heure en heure et semble hors de tout contrôle. En première ligne, notamment, la pêche et les producteurs de légumes sous serres pour qui les modèles ont d’ores et déjà volé en éclat. Cette situation à nouveau inédite va impliquer une réorganisation majeure et une agilité des entreprises agroalimentaires. Un partenariat fort avec l’administration est de ce fait nécessaire pour soutenir et assouplir notre système, afin de libérer les initiatives, moteur de la résilience des entreprises agroalimentaires.


Négociations commerciales : sur le fond, un pas de plus vers la perte de souveraineté alimentaire de la France


A l’issue des négociations commerciales 2022, nous entendons des discours de satisfaction, faisant état de la « réussite » de la loi EGALIM 2, qui aboutirait à une inflation des prix des produits alimentaires de l’ordre de 3% en moyenne. Mais ne nous y trompons pas, si chacun peut se féliciter des ambitions initiales de la loi visant à accroître les revenus des producteurs agricoles, le résultat des négociations commerciales apparaît comme un trompe-l’oeil, qui masque la réalité subie par les entreprises agroalimentaires dans ces négociations.
Le besoin de revalorisation tarifaire, dans un contexte inflationniste, était à +7% en moyenne pour les entreprises de transformation agroalimentaire. +3% environ concernant le besoin de revalorisation lié à la hausse des matières premières agricoles. + 4% environ concernant les hausses des autres intrants : à fin 2021, on observait pour le transport = +74% ; pour l’énergie = + 38% ; pour le plastique = + 24% ; pour le carton = +21% ; pour l’aluminium = +26%, etc. Dans ce contexte, le refus des distributeurs de prendre en compte des demandes de revalorisation tarifaire raisonnées et raisonnables est inacceptable et dangereux.


« Si ces négociations commerciales ne réenclenchent pas une logique de création de valeur pour chaque maillon, le sujet de la désolidarisation de la filière agri-agro et de la survie de nombre de nos entreprises agroalimentaires bretonnes se posera », interpellait Annie SAULNIER, DG de Geldélis, début février.


Rogner à nouveau sur les marges des transformateurs, après 8 années de déflation, ne fait qu’affaiblir notre filière agri-agro bretonne. Cette destruction de valeur asphyxie de très nombreuses entreprises, notamment les PME, et les immobilise dans leur développement. Autant d’éléments limitant les capacités d’investissement, enjeu pourtant capital pour conserver une industrie d’excellence et pérenne, garants de la souveraineté alimentaire de la France.


Sur la forme : des conditions de négociation avec la grande distribution inadmissibles


De nombreux dysfonctionnements sont constatés unanimement par les entreprises agroalimentaires :

Des contreparties demandées qui impliquent un déséquilibre significatif : dans de nombreux cas, les plans d’affaires ont été revus à la baisse.

Des menaces de sanctions de la part de plusieurs enseignes, notamment des menaces de déréférencements, la plupart du temps malgré des situations de relations commerciales de long terme.

Un manque de bonne foi et d’équilibre dans la fixation des clauses de révision automatiques, avec des distributeurs qui cherchent à imposer leurs clauses ou des taux de variations avec des indices très élevés.

Des enseignes qui continuent à envoyer des pénalités sans apporter la preuve du manquement, ni la justification du préjudice, malgré les dispositions de la loi EGALIM 2 sur ce point.
C’est un échec collectif qui se réitère d’année en année. Jusqu’à quand allons-nous pouvoir encaisser ? Jusqu’à quelle extrémité les commerciaux des entreprises vont-ils devoir continuer à subir les méthodes et pressions de la grande distribution ?
Ce marathon des négociations commerciales épuise tout le monde et surtout in fine ne crée pas de valeur, sinon pour la distribution (et faussement pour le consommateur incité à surconsommer au détriment de l’ensemble des filières Agri/Agro) ! Ne pourrait-on pas utilement mettre cette énergie dans une création de valeur juste et partagée ? Il est temps que chacun agisse en responsabilité.

L’administration doit être un partenaire pour les entreprises agroalimentaires


Dans ce contexte chaotique, les entreprises agroalimentaires bretonnes font preuve d’initiatives pour s’adapter, innover et continuer à remplir leur mission de nourrir les Hommes. Cependant, que ce soit sur le sujet des relations commerciales (7ème loi en 13 ans), comme sur celui des enjeux environnementaux et humains, les entreprises se heurtent systématiquement à la complexité administrative et à la lenteur des démarches, notamment quand elles demandent le droit d’expérimenter de nouvelles solutions.
La mise en oeuvre d’EGALIM 2 est le parfait exemple du goût français pour la sur-complexité administrative. En effet, la mise en oeuvre de cette loi repose très lourdement sur le maillon agroalimentaire et a dû être appréhendée par les IAA dans un temps record, en impliquant des coûts importants pour les entreprises, , avec un travail administratif démesuré pour les équipes juridiques et financières. « Rien que les coûts imposés de contrôles par un commissaire aux comptes s’élèvent à 100 000 € pour mon entreprise » souligne Olivier Clanchin, président de Triballat-Noyal et président de l’ABEA.
Plutôt que de se retrouver face à une administration qui tient systématiquement une posture de contrôle et de sanction, nous demandons à retrouver un lien de confiance et une logique d’accompagnement. Nous souhaitons que l’administration prenne davantage en compte nos besoins, accompagne en proximité les évolutions, encourage nos propositions d’expérimentations, et soutienne notre filière.

Des mesures d’urgence indispensables pour soutenir dès maintenant les entreprises


Pour accompagner nos entreprises fragilisées et réenclencher un cycle vertueux de création de valeur, afin de faire rayonner la France dans le monde et que la souveraineté alimentaire de notre pays ne soit pas un vain mot, nous souhaitons proposer aujourd’hui plusieurs mesures, que l’Etat pourrait immédiatement mettre en place pour accompagner les entreprises :

  1. Pour beaucoup d’entreprises, l’envolée des coûts du gaz et de l’électricité représente une hausse impossible à absorber ni à répercuter.
    ➔ Nous demandons la mise en place de mesures d’urgence immédiates pour soutenir les entreprises agroalimentaires sur le volet énergie. La mise en place d’un bouclier énergétique pour les entreprises, comme c’est le cas pour les ménages, pourrait être une solution.
    ➔ Nous demandons que tous les projets d’investissements dans les énergies renouvelables, bloqués par postures individuelles éloignées du bien commun, soient réouverts
  2. La périodicité annuelle des négociations commerciales est inadaptée dans ce contexte très fortement inflationniste et mouvant que nous vivons. Il engendre un décalage inabsorbable entre les hausses subies et la possibilité de pouvoir les répercuter.
    ➔ Nous demandons que chaque maillon de la chaîne alimentaire soit mis devant ses responsabilités et les prennent, afin de permettre la révision automatique des tarifs en cours d’année, dans une logique de solidarité et de durabilité de notre filière alimentaire.
  3. Le 2 décembre 2021, lors d’une réunion à Landerneau, M. BESSON MOREAU, député rapporteur de la loi EGALIM 2, soutenait la demande des industriels bretons qu’un « droit à l’erreur » soit instauré pour cette année, afin de ne pas pénaliser les erreurs de bonne foi, dans un contexte où la loi a dû s’appliquer dans un délai très contraint et avec des zones de flous.
    ➔ Nous demandons que ce « droit à l’erreur » permettent de se soustraire au contrôle couteux des commissaires aux comptes sur cette 1° année d’Egalim 2.
  4. Nous croyons que l’expérimentation est une voie pertinente pour ouvrir le champ des possibles et garantir la durabilité de nos entreprises. Pourtant, quand nous faisons des propositions concrètes, comme par exemple notre demande d’expérimenter la REUSE* dans nos usines depuis 2019, nous nous heurtons au principe de sur-précaution de l’Etat français.
    ➔ Nous demandons l’autorisation d’expérimenter la REUSE dans nos usines de transformation de viande et de lait bretonnes, à l’instar de ce qui se fait chez nos voisins européens. Plus largement, nous sollicitons un droit à l’expérimentation sur les sujets économiques, humains et environnementaux.
  • REUSE : Réutilisation des eaux non conventionnelles (eaux issues de la matière première et eaux usées traitées). C’est un levier conséquent pour économiser l’eau, et un sondage que nous avons mené auprès de 28 de nos adhérents démontre que ceux-ci pourraient économiser plus de 800 piscines olympiques par an si le droit à l’expérimentation était accordé ! Pourtant, malgré le défi climatique majeur qui se dresse devant nous tous, et nos demandes successives, nous ne pouvons que constater que l’énergie incroyable déployée par les industriels pour obtenir ce droit à l’expérimentation se heurte inlassablement au principe de sur-précaution de l’Etat français, alors que toutes les techniques de traitement adaptées existent et permettent de garantir la sécurité sanitaire.